
Monet eut vent de Belle Ile par Sarah Bernard et quelques autres célébrités qui osaient venir jusqu'ici. Quand il arrive en septembre 1886, il ne s'arrête pas à Palais, trop animé pour lui. Il choisit Kervilahouen sur la côte ouest, près du grand phare tout juste construit. Il prend pension chez Marec, l'unique auberge pour 4 francs par jour. Le café donnait sur la place du village, comme la maison plus loin (Ty Mad aujourd'hui), où Monet dormait à l'étage.
Extrait d'une lettre de Gustave Geoffroy, journaliste venu rencontrer Carlos Bianqui et qui séjourna à Belle Ile du 2 au 13 octobre 1886 : "Sommes absolument satisfaits de notre installation. Ce n'est plus l'hôtel, c'est l'auberge et la bonne auberge. Nous habitons en dehors du débit de boisson, car les maisons ici sont minuscules. J'occupe un rez de chaussée, au dessus au premier étage où loge Claude Monet"
Lettre de Monet lui-même à sa compagne, Alice Hoschédé le 18 septembre 1886 : "J'ai un mal de diable à dormir à cause des rats au-dessus de mon lit et d'un cochon en-dessous de ma chambre ; vous voyez et sentez cela d'ici. Le soir il n'y a que de la chandelle pour luminaire. L'auberge est cependant plus propre qu'à l'Hotel de France"
Mais le temps est mauvais "un temps ignoble, de la pluie, de la grêle, du tonnerre ; j'ai reçu tant de grêle que ce soir la figure et les mains me font encore mal, et par moment je craignais que mes toiles soient crevées" ecrit-il à Alice le 11 novembre. Monet finit par être séduit par ces lieux : "pour peindre vraiment la mer, il faut la voir tous les jours, à toute heure, et au même endroit là. Aussi je refais les motifs jusqu'à quatre, six fois... Les rochers mouillés n'en sont que plus noirs, mais c'est peut être plus beau. Il me faut faire de grands efforts pour faire sombre, pour rendre cet aspect sinistre, tragique, moi, plus porté aux teintes douces, tendres" (Monet à Alice le 23 octobre 1886).
Monet reviendra de Belle Ile avec quarante toiles brutales et sauvages très éloignées de la subtilité des marines d'Etretat. Certaines d'entre elles sont aujourd'hui au Musée d'Orsay ou à celui de Tokyo.